Marthe et Marie (Luc 10, 38-42)

Le texte se situe au chapitre 10 de l’évangile de Luc, juste après la parabole du Bon Samaritain. Luc est le seul évangéliste a raconté ces deux épisodes, et il les place l’un à la suite de l’autre. Il cherche à nous dire quelque chose. Il illustre ainsi le dialogue qui précède, au verset 27, sur le grand commandement : «  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton âme, de toutes tes forces » (Deutéronome 6,5)… et le second qui lui est semblable : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19,18). Les personnages du Bon Samaritain, de Marthe et de Marie, donnent un éclairage à ces commandements, ils les incarnent.
 
Creusons donc, au fil du texte comment Marthe et Marie aiment et servent leur Seigneur (C’est bien du Seigneur dont il s’agit. Pour nous le faire comprendre, Luc répète trois fois le mot Seigneur dans ce court passage).

Marthe le reçoit dans sa maison
Voir Marthe accueillir Jésus, lui apporter de l’eau pour se laver les mains, les pieds, faire de la place dans la salle commune pour tout le monde. Jésus, quand il vient, ne vient jamais seul… Apporter à boire. Marthe crée les conditions pour l’écoute de la Parole. C’est une première forme de service. Un premier acte d’amour.
Ainsi lorsqu’un compagnon reçoit les autres membres de sa Communauté Locale chez lui, il crée les conditions pour l’écoute de la Parole de Dieu, dans la Bible et dans le partage entre compagnons.

Marie s’assoie aux pieds du Seigneur et écoute sa Parole
Marie écoute. Mais elle ne se contente pas d’écouter. De cette écoute naîtra un agir, un agir discerné, mûrement pensé. Lors de leur prochaine rencontre, elle versera sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix. (Jean 12). Ayant écouté son Seigneur d’une oreille attentive, elle pressent qu’il va mourir bientôt - ce que les disciples n’ont pas encore compris. Et c’est « en vue de sa sépulture » qu’elle a ainsi répandu ce parfum.
Le service vient ici après l’écoute de la Parole, comme son prolongement…

Marthe interpelle le Seigneur, ils se parlent en vérité
Marthe interpelle Jésus avec une certaine familiarité, ce qui en dit long sur leur relation.
L’intention première de Marthe était droite, accueillir son Seigneur.
Mais elle s’est laissée « accaparer » par le service. Et il y a sans doute de quoi, si Jésus est arrivé à l’improviste, et accompagné d’une vingtaine de personnes (ses disciples et quelques autres). Et surtout parce qu’elle veut bien faire, trop bien faire.
Alors monte en elle le poison de la comparaison. Mais la force de Marthe est de ne pas s’enfermer dans sa colère. Elle l’exprime au Seigneur.
Aimer le Seigneur, c’est l’accueillir, l’écouter, mais c’est aussi lui parler en vérité, de ce qui fait notre vie, nos soucis, les injustices que nous ressentons, nos colères…
Le Seigneur accueille les paroles de Marthe. Il prend en considération ses paroles et lui répond.

Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe »
Dans la Bible, le Seigneur appelle souvent deux fois. Au buisson ardent « Moïse, Moïse », au petit Samuel couché dans le temple : « Samuel, Samuel ». Cela a une signification. Dieu appelle d’abord la personne dans l’état dans lequel elle est à ce moment là. Puis il l’invite à descendre en elle-même, il appelle le moi plus profond, plus intérieur. Ainsi de Jésus pour Marthe.
Jésus ne reproche pas à Marthe de servir, lui-même se présente aux disciples comme celui qui sert, et les invite à faire de même. Non, Jésus ne reproche rien à Marthe, il lui indique un chemin pour revenir à son intention première, qui était d’accueillir son Seigneur. Il entend le désir derrière la colère. Il l’invite à servir autrement, à rester habitée par son désir de l’accueillir tout en servant.

Et Marthe entend. Elle écoute à son tour. Regardez la belle illustration du Père Rupnik. Marthe et Marie servent l’une et l’autre, elles sont l’une et l’autre apaisées, à l’écoute de leur Seigneur qui les bénit.

Ainsi sommes-nous invités à dépasser l’opposition qui nous apparaît au premier abord entre Marthe et Marie. L’action peut précéder l’écoute en créant les conditions favorables, ou découler d’une écoute attentive. Et si notre action dévie de son intention initiale, la Parole du Seigneur nous aidera à l’ajuster. Mais toujours le service, prend sa source dans le dialogue avec notre Seigneur : l’accueillir, l’écouter, lui parler. Et notre service devient ajusté.

Ignace appelle cela, la contemplation dans l’action. Il ne propose jamais le verbe « servir », tout seul. Il le fait précéder des verbes louer, respecter, mais surtout, du verbe aimer : AMAR Y SERVIR. L’un ne va pas sans l’autre. Marthe sert et aime, Marie aime et sert. Telle est l’invitation qui nous est faite…
Impossible me direz-vous.
Impossible si on est tout seul. Mais elles sont deux. Et nous sommes en communauté. Ainsi certains créent les conditions pour que d’autres puissent écouter la Parole. D’autres l’écoutent puis se mettent au service. D’autres encore nous interpellent pour nous aider à ajuster notre écoute et notre agir.


Blandine Somot

Prendre le temps de lire ce morceau d’Évangile tout en imaginant :
    — Jésus et ses disciples...
        — un village de Palestine....
            — une maison : celle de ses amies Marthe et Marie

Demander au Seigneur une grâce pour ce temps de prière : "entendre ce que le Seigneur veut me dire aujourd'hui par cette Parole"

Regarder tour à tour ces deux femmes :

• qu'est-ce qui me touche dans leur attitude, dans leur manière "d'être avec" ?
• quelle est celle avec laquelle je me sens le plus proche ? Pourquoi ?   Qu'est-ce que l'autre femme me dit aujourd'hui ?

Ecouter le dialogue entre Marthe et Jésus :

• sentir la colère, l’agacement de Marthe...
• entendre la réponse de Jésus qui va plus loin...
• et pour moi, quels sont les lieux qui qui ont besoin d'être visitéspar cette Parole de Jésus ?